Le constat écologique est sans appel et la catastrophe paraît assurée. Mais répéter que notre fonctionnement actuel nous rapproche de l’Apocalypse à chaque minute qui passe, ne sert à rien, mis à part nous terrifier et nous paralyser.
Il faut proposer des solutions concrètes, optimistes, réalistes, faciles à appliquer : sortir de la torpeur.
Tel est le pari de la Transition, raconté au travers d’entretiens dynamisants : « Le pouvoir d’agir ensemble, ici et maintenant. Entretiens Rob Hopkins et Lionel Astruc » publiés en 2015 chez Actes Sud dans la collection Domaine du possible.
Mais qu’est-ce donc que la Transition ?
En 2006, Rob Hopkins décide d’aller frapper à la porte de ses voisins pour leur proposer d’agir ensemble pour changer les choses. Et bien… cela a marché. La petite ville de Totnes est devenue une ville en transition. Depuis 1170 villes en transition ont été recensées.
La Transition parie sur le puissant effet d’entrainement que suscite le simple fait d’agir, de se mettre soi-même en mouvement, sans attendre de consigne ou d’autorisation (tout comme le mouvement des Incroyables Comestibles).
La Transition est une révolution silencieuse et ancrée dans le concret : comment transformer, par l’action locale, sa ville, sa communauté pour la rendre plus autonome et plus résiliente face aux chocs qui s’annoncent (fin du pétrole, changements climatiques violents). Chaque communauté rejoint alors le réseau planétaire des « simples citoyens » oeuvrant à la mise en place d’une alternative, acteurs de territoires qui auront des solutions en cas d’effrondrement du système.
L’optimisme contagieux de Rob Hopkins
Rob Hopkins, à l’initiative de ce mouvement, est un professeur de permaculture et un père de famille angoissé par les perspectives écologiques. Il est joyeux, optimiste et pragmatique (vous l’avez peut-être entendu, interviewé dans le film Demain). Du fonctionnement d’un groupe local aux mises en place de systèmes d’ampleur, toutes les étapes et épreuves déjà traversées, se transforment en enseignement pour les suivant-es (il existe d’ailleurs aussi un Manuel de la Transition).
Habitué des milieux militants, Rob Hopkins parle avec drôlerie de leurs travers et de leur créativité. Il inverse le mode de pensée traditionnel pour toucher tout un chacun, loin des fonctionnements d’initiés. Le « Nous avons raison donc c’est aux autres de changer » devient « C’est à nous de changer, commençons par nous et par agir ! Les autres nous rejoindront ».
Et cela marche ! Amis, voisins, familles viennent grossir le mouvement. Certaines métamorphoses sont de taille : comme la ville de Bristol créant sa monnaie, soutenue par les commerçants. Ou ailleurs des quartiers autonomes grâce à des centrales solaires financées par les citoyens, des emplois par dizaines nés de la relocalisation des productions et de la revalorisation des commerces indépendants, des écoquartiers gérés par les habitants, etc.
D’autres changements sont plus modestes, et sont pour autant d’aussi grandes victoires, tant ce qui compte est d’agir avec éthique, de se mettre en mouvement, maintenant, sans attendre.
La bienveillance et le partage des savoirs comme armes de combat
La dimension apolitique de la Transition devient une arme politique pour des réalisations locales pérennes et fertiles. Ses valeurs sont aussi de solides remparts face aux idées nauséabontes, clivantes, voir claniques, à nouveau en vogue en Europe, car s’il s’agit de relocaliser, il n’est en aucun cas question de chauvinisme ou nationalisme : au contraire ! De la bienveillance, de l’humilité et du partage international des savoirs, chacun-e est bienvenu-e.
La Transition n’est pas un réseau d’utopistes allumés, elle s’appuie sur des études économiques et scientifiques, des données environnementales et agricoles prouvées. Elle fait le pari d’une régulation de l’augmentation des températures entre 1 et 2 degrés si le mouvement parvient à gagner du terrain. Le bon sens allié aux savoirs en somme.
La Transition en bas de chez soi
La Transition applique par exemple le principe de l’Effet de multiplication locale (Local Multiplier Effect de la New Economics Foundation de Londres). Ce ratio montre que lorsqu’une personne fait 10 livres d’achats dans les supermarchés et chaînes, 3,6 livres retournent dans l’économie de sa ville. Si cette personne fait ses courses dans les commerces locaux indépendants, elle génère des retombées à hauteur de 17,6 livres !
Petit exercice de travaux pratiques : commencez par consacrer 10% de votre budget habituel à un maraîcher local ou un artisan qui travaille des produits du coin. C’est aussi simple que cela la révolution 🙂
Poitiers, prochaine ville en transition ?
Pour trouver des idées et des solutions, être remotivé-e par l’enthousiasme et l’intelligence des membres de la Transition, vitaminé-e par l’humour et le sens pratique de Rob Hopkins, je vous conseille la lecture de ces entretiens.
D’ailleurs Poitiers attend toujours son groupe de transitionneurs… Je dis ça, je dis rien…
« Si nous attendons les gouvernements, ça sera trop peu ou trop tard ;
Si nous agissons individuellement, ça sera trop peu ;
Si nous agissons en tant que communautés locales, ça sera peut-être assez. »